De l’Auberge du Bon Ange
Au Lycée d’Enseignement Adapté Léopold BELLAN
Plus de deux siècles d’histoires

SOMMAIRE :
- De l’origine à 1918 – Un lieu-dit sur lequel est bâtie une Auberge
- De 1918 à 1939 – Un tournant
- De 1939 à 1951
- De 1939 à 1945 : L’occupation
- De 1945 à 1951 : Création du centre spécialisé de CHAMIGNY
- De 1951 à nos jours
- De 1951 à 1988 – L’école nationale de perfectionnement
- De 1988 - A nos jours – L’établissement Régionale d’enseignement Adapté Léopold BELLAN
I – De l’origine à 1918
Les cartes de Cassini levées de 1752 à 1760 ne situent pas encore l’ANGE GARDIEN. Il faudra attendre les plans d’intendance de 1787 réalisés pour l’administration royale pour qu’apparaisse le lieu-dit sur lequel est bâtie une construction. Les registres paroissiaux de CHAMIGNY conservés depuis 1668, mentionnent « LE BON ANGE » en novembre 1779.
Un certain Denis Nicolas BOUDIER y tient une auberge qu’il vient de créer sur des terres agricoles. Sa situation au bord de la grande route de « Paris en Alsace », l’importance considérable du domaine viticole sur la commune et la vue imprenable sur les boucles de la Marne, en firent l’endroit tout désigné pour y établir une halte.
Ces registres prouveront par la suite qu’en réalité, le BON ANGE et l’ANGE GARDIEN ne sont qu’un seul et même endroit, le nom de l’auberge se confondant avec celui du lieu-dit.
En 1839, les bâtiments et les terres sont repris par François Armand VASSEUR et l’ANGE GARDIEN redevient un simple domaine agricole. Les locaux abritèrent les propriétaires ainsi que des ouvriers agricoles.
En 1878, le domaine est vendu et l’exploitation agricole est suspendue au profit d’une résidence de campagne. Le propriétaire fit démolir une partie de l’ancienne auberge pour y bâtir à sa place une grosse maison bourgeoise. (L’actuel bâtiment où se trouve l’administration, la direction ainsi que l’infirmerie).
A sa mort, trois jardiniers s’y succédèrent et y demeurèrent, dont Jules BELLAN, parent proche de Léopold BELLAN.

La première mention de Léopold BELLAN à l’Ange Gardien est attestée par l’achat de 1898, de parcelles le long du chemin descendant vers le hameau de LARRUE. Le 2 juin 1900, les registres de l’État civil indiquent qu’il assistait en tant que témoin au mariage de Berthe Clémentine BELLAN ; Celle-ci était par ailleurs son employée au 30 rue des Jeûneurs à PARIS, où il possédait un florissant commerce de textile, en particulier de tulle.
La première mention de Léopold BELLAN à l’ANGE GARDIEN est attestée par l’achat dès 1898 de parcelles le long du chemin descendant vers le hameau LARRUE. Dès lors, Léopold BELLAN achète nombre de parcelles, aboutissant au domaine actuel. Le parc est alors aménagé.

Le ru est dévié pour y créer un lac au centre duquel est érigé un kiosque. Des serres, des communs et une maison de gardien en lisière de route sont créés.

Par ailleurs, dès novembre 1907, dans un but philanthropique, Léopold BELLAN projetait l’achat d’un grand terrain afin d’y construire une maison de retraite destinée aux vieux professeurs de la S.E.M.E.D.I.A qui se trouveraient sans ressources. Cependant, le projet prend du retard pour des raisons financières.
A cette époque, la « société d’enseignement moderne pour le Développe- ment de l’instruction des adultes » (S.E.M.D.I.A) que Léopold BELLAN avait fondé en 1884, propose de nombreux cours du soir gratuits dans les écoles de PARIS et de la banlieue, assurés par des professeurs bénévoles. Cette société connaît dès lors une progression très rapide due à la diversification de ses sections (96 en 1906 – 1907, 120 à la veille de la première guerre).
Dès 1908, sont ouvertes des sections de préparation militaire. En juin 1913, Léopold BELLAN décide de vendre sa propriété à la S.E.M.D.I.A.. Les campagnes de CHAMIGNY et de ses environs sont alors le théâtre de nombreuses manœuvres militaires.
Le déclenchement de la première guerre mondiale et le décès au champ d’honneur de son fils unique durant la bataille de Champagne en 1915, font réaliser à Léopold BELLAN que l’idéal du progrès par l’instruction est devenu utopique. Les professeurs et les élèves sont mobilisés et il devient nécessaire de diversifier les activités pour des sujets plus « brûlants ».
Le projet de construction de la maison de retraite à CHAMIGNY est alors interrompu, tandis que deux orphelinats pour des pupilles de la nation ainsi que des foyers sont ouverts à BRY s/MARNE.
Le site poursuit néanmoins sa vocation durant la première guerre mondiale : comme l’indiquent certaines correspondances au dos de cartes postales anciennes, l’ANGE GARDIEN reçoit des soldats français qui y trouvent accueil et repos.
II – De 1918 à 1939 : un tournant
Les statuts de la Société d’enseignement moderne changent en août 1918, et la structure devient l’« Association Léopold BELLAN » (ABL) également sous-titrée « œuvre de fraternité sociale ». Tout un programme, dont l’état d’esprit perdure encore aujourd’hui. Mais pour l’heure la priorité de Léopold BELLAN est plus sociale que médicale.
En 1919, l’association alors en pleine phase d’expansion, décide prioritairement d’ouvrir à CHAMIGNY un « orphelinat horticole » destiné à de jeunes orphelins et pupilles de la nation de 13 ans à 18 ans. Le but et de leur assurer une formation professionnelle tout en leur procurant un environnement sain.

Le premier orphelinat, qui comporte une ferme-modèle, ouvre en juin 1919. Il bénéficie d’un don fait par la veuve d’un médecin parisien.

Ce n’est pourtant qu’en 1925, après la construction d’un nouveau bâtiment, que l’orphelinat prend sa forme définitive : il peut accueillir 50 jeunes gens.

En ce qui concerne l’école d’horticulture, la formation se déroule sur 3 années :
- La première est vouée au travail du potager,
- La deuxième est consacrée aux travaux du parc, qui se dote alors d’une orangerie et d’une roseraie,
- La dernière année est destinée à la floriculture.
Il est à noter que l’école d’horticulture est déjà dotée d’une infirmerie. L’eau courante est assurée par un système de château d’eau et de puits.

Chaque fois qu’il venait passer quelques jours à la campagne, le Président BELLAN mettait un point d’honneur à venir manger avec les élèves au réfectoire. Il était perçu comme un homme simple mais il était intimidant et toujours fort respecté. Il aimait venir se reposer dans la gloriette sur l’Ile, au milieu du lac.
Par ailleurs le projet de maison de retraite se poursuit : après divers retards, une « maison de repos, de retraite et de convalescence » comportant un bâtiment central destiné aux célibataires, et plusieurs pavillons réservés à des couples mariés, est finalement inaugurée en 1932. Outre des professeurs retraités, cette œuvre peut également abriter des mutilés ou des personnes en convalescence. Sur certains pavillons et selon la même pratique courante d’immortalisation de cet acte de bienfaisance, figurent les noms de donateurs comme KIEFFER ou GUGGENHEIM.
La forte consonance germanique de ces noms s’explique par le fait que donateurs et personnel d’encadrement, très impliqués au siège du conseil d’administration de l’association étaient issus du quartier du Sentier où vivait Léopold BELLAN.
Léopold BELLAN décèdera en 1936.
Dès lors, les années qui suivirent virent petit à petit le déclin de la structure. Les serres ainsi que d’anciens bâtiments furent démolis. L’argent manquait et le conflit mondial approchait.
III – De 1940 à 1945
- De 1939 à 1945 : L’occupation
Le déclenchement de la seconde guerre mondiale vit la fermeture de l’école et de la maison de retraite et l’occupation des locaux successivement par les armées françaises (1939-1940), allemande (1940 – août 1944) puis américaine (sporadiquement et plutôt du côté de la maison de retraite jusqu’en hiver 1944-1945).
- De 1945 à 1951 : Création du centre spécialisé de CHAMIGNY
En 1941, beaucoup de pères de familles étant prisonniers ou morts à la guerre, le gouvernement de VICHY décide de créer des centres d’apprentissage pour de jeunes désœuvrés de 14 à 21 ans, et des centres spécialisés gérés par des associations. A Lizy sur Ourcq se crée un Centre spécialisé géré par l’Association « Aide aux Jeunes de France » pour des garçons de 12 à 14 ans, livrés à eux-mêmes, et commençant à poser quelques problèmes. La vocation de ce centre de « redressement », est de remettre ces jeunes sur le droit chemin ». Ils étaient pour cela encadrés par des moniteurs.
L’histoire de ces centres spécialisés est étroitement liée à celle de Robert JOSPIN. Ainsi durant l’hiver 1944-1945, le centre spécialisé de Lizy sur Ourcq qui est installé dans l’ancien château est fermé, ses locaux devenant inadaptés.
L’« Aide aux jeunes » loue alors à l’association Léopold BELLAN la propriété de l’ANGE GARDIEN désormais libérée de tout occupant, dans le but de s’y établir. Après le départ des troupes, les locaux étaient en fort mauvais état. Six mois de travaux intensifs furent nécessaires pour les restaurer, pendant lesquels les jeunes durent camper. L’aménagement était alors rudimentaire, la remise en état se poursuivra jusqu’en 1948.
La Roseraie, la partie française, pelouse et bordée d’allées fleuries dans le prolongement des escaliers devant le château, les serres, des plantations dans l’ensemble du parc, demandèrent trois ans de travail à l’équipe de jardinerie accompagnée d’une vingtaine de jeunes, pour les remettre en état, et devenir un lieu réputé et attrayant. On venait de Paris pour visiter le parc !
La maison de retraite était alors inoccupée et les pavillons hébergeaient les moniteurs. Le jardinier résidait avec un aide-bûcheron à la conciergerie, bâtiment qui correspondait à l’entrée initiale de la cité-jardin. Les femmes et les enfants des moniteurs de l’époque, durent attendre une réhabilitation convenable des locaux avant d’emménager. Le chef de centre bénéficiait de la jouissance du château, actuel bâtiment administratif, qui était encore meublé.
L’école redevient dès un véritable centre d’apprentissage où l’on enseignera chaque année à une soixantaine de jeunes pendant 3 ans. Les métiers de cordonniers, de maçon, de menuisiers (les locaux étant installés dans des baraques de préfabriqués, de forgeron (dans les actuels locaux de l’entretien), de bûcheron et d’horticulteur (dans des baraques en dur situées face aux actuelles classes) ou d’agriculteur (à la ferme-école).
Les jeunes y étaient internes à l’année, et les seules visites extérieures étaient celles des familles des gens y travaillant.
Ainsi, et jusqu’en 1950, CHAMIGNY restera ce centre spécialisé et M. Robert JOSPIN, Directeur Général, en assure la direction.
IV – De 1951 à 1988
- De 1951 à 1988 – L’école nationale de perfectionnement
Par la loi du 31.12.1951, le ministère de l’Instruction Publique transforme ce type de centres en Écoles Nationales de Perfectionnement pour les élèves ne pouvant fréquenter utilement les classes normales d’enseignement général ou professionnel » : déficients intellectuels légers ou moyens, déficients moteurs ou sensoriels, mais aussi enfants dits cas sociaux ou caractériels.
L’État, dès lors, installe une école dans une partie des locaux et des terrains délaissant la maison de retraite et la ferme d’application. La propriété, d’une superficie de 7.5 hectares est d’abord louée à l’Association Léopold BELLAN puis achetée par l’État le 8 juillet 1958.

En 1954, CHAMIGNY a la vocation de recevoir des adolescents présentant des « troubles de la conduite et du comportement » et/ou « cas sociaux ». Le recrutement est national et la capacité est de 150 internes et 30 demi-pensionnaires.
De 1955 à 1962, les infrastructures se complètent par un bâtiment abritant les ateliers en 1955.

Suivent :
- La construction d’un bâtiment comprenant des classes, salles d’activité et de jeux, gymnase.

- Un troisième formé de 20 logements pour le personnel
- Et un quatrième abritant 3 dortoirs et 14 chambres.
Monsieur Robert JOSPIN poursuivra sa tâche jusqu’au 1er octobre 1966 en tant que Directeur de l’E.N.P. Lui succèdera M. RABOUT jusqu’en 1969 puis enfin M. HAMON jusqu’en 1988.
Les années 1970 – 1975 se caractérisent par :
- Une nouvelle construction relative à la mise en place des formations professionnelles « Cuisine en collectivité » et « Employé technique de collectivité,
- L’aménagement d’un stade de football,
- La construction d’écuries,
La construction d’une infirmerie

- De 1988 - A nos jours – L’établissement Régionale d’enseignement Adapté Léopold BELLAN
En 1988, l’École Nationale de Perfectionnement se transforme en Établissement Régional d’Enseignement Adapté. Cet établissement a eu successivement une douzaine de chefs d’établissement qui sont restés entre deux et quatre ans à une exception près.

Depuis 2020, cet établissement est présenté comme un Lycée d’Enseignement Adapté (LEA) puisqu’il accueille exclusivement des lycéens. Les adolescents préparent un CAP pour s’insérer dans les métiers de commercialisation et services en hôtel-café-restaurant, maçon, peintre et applicateur revêtement, menuisier fabriquant ou pour devenir Jardinier paysagiste.



Annexe
Portrait de Léopold Bellan (1857-1936)

Issu d’un milieu modeste, handicapé de naissance, il n’a eu de cesse de s’intéresser au sort d’autrui, notamment des plus démunis.
Précurseur, il s’est préoccupé très tôt de domaines aussi variés que l’enseignement, l’hygiène, les sports, les soins… Nous lui devons entre autres « la société d’enseignement moderne » créée en 1884 (22 000 élèves de tous âges instruits par 1 200 bénévoles), un parc sportif, une maison de convalescence et deux orphelinats à BRY s/MARNE (1907), un foyer pour orphelines à COURBEVOIE (1918), un hôpital à PARIS14ème (1919), une maison de retraite à ASNIERES (1928) …
Léopold BELLAN s’est aussi soucié de la condition féminine ; Il fonde en 1912 l’Institut Professionnel Féminin (Formation professionnelle pour 450 filles), participe à la lutte contre la tuberculose, ouvre en 1930 un sanatorium pour 350 FEMMES à MAGNAVILLE et un préventorium à CHAUMONT EN VEXIN.
Ami des artistes, il crée un concours de musique et d’art dramatique qui aujourd’hui encore, encourage de jeunes talents.
Toute sa vie, attaché aux institutions qu’il avait créées, fidèle à son rôle d’élu et d’homme public, (Conseiller municipal du 2ème arrondissement de PARIS, Président du Conseil Général de la SEINE, Président du Conseil de PARIS) Léopold BELLAN fut l’un des grands précurseurs de l’aide sociale.
Portrait de Robert JOSPIN (1899-1990)

Né le 9 juin 1899 à Saint Quentin, il passe toute la guerre de 1914-1918 dans les régions occupées du Nord-Est de la France en tant que prisonnier civil, puis en tant que déporté après une tentative d’évasion. Au retour, il reprend ses études classiques, puis s’occupe de 1923 à 1929 d’œuvres sociales. Il sera délégué à la liberté surveillée auprès du Parquet de la SEINE. Il organise des manifestations artistiques dans les maisons de redressement de l’éducation surveillée (SAINT MAUR, CLERMONT…). En novembre 1929, il entre dans l’enseignement du 1er degré (Direction de la SEINE) où il exerce essentiellement dans les cours complémentaires.
En novembre 1943, il est détaché en tant qu’éducateur au Centre d’Observation et d’Accueil pour mineurs délinquants en instance de jugement devant le TEA de la SEINE, centre de formation professionnelle situé rue de Madrid à Paris, dépendant de l’Association « Aide aux Jeunes de France ». Il en deviendra Directeur le 1er juin 1944.
En janvier 1945, le centre de Madrid étant repris en charge par le ministère de la Justice (Éducation surveillée), la Direction du 1er degré le charge d’ouvrir un centre d’observation à Paris, pour assurer le recrutement des centres spécialisés dont il devient Directeur le 1er juin 1945, avant de prendre la tête de l’École de Perfectionnement en 1950 jusqu’en 1966.
Dans les déclarations de M. Lionel JOSPIN, Ministre de l’éducation nationale de la jeunesse et des sports, sur la scolarisation des jeunes malades ou handicapés, il déclare dans « vie publique » le 14 janvier 1989, « J’ai une tendresse particulière pour ces écoles ; je les connais bien puisque j’ai vécu en leur sein longtemps, mon père dirigeant pendant plus de vingt ans une école nationale de perfectionnement, ma mère y étant infirmière, vivant moi-même en dehors de mes études, au milieu de ces adolescents, j’ai partagé pendant au moins une partie de ma vie, une des plus passionnantes, celle où on se forme, où on se transforme, celle qui conduit de 18 à 23 ans… »

Document élaboré à partir du livret historique de Dominique DENIS – Ancien éducateur Principal à l’EREA Léopold BELLAN.





